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Pour construire de nouvelles représentations du bonheur


La croyance dans les vertus de la croissance économique s’appuie lourdement sur une représentation étriquée du bonheur humain fondée sur le consumérisme et l’argent. Cette conception du sens de la vie humaine est extrêmement dangereuse et mensongère. Non-contente d’entretenir un système socio-économique qui détruit l’environnement, elle est incapable de véritablement délivrer le bonheur promis. Au contraire, ces représentations engendrent malheur et frustration. Il est donc urgent de décoloniser nos imaginaires de ces fausses valeurs afin de reconstruire une nouvelle vision du bonheur adaptée aux enjeux de notre temps.




Les représentations contemporaines du bonheur entretiennent un système socio-économique fondé sur la croissance directement responsable du désastre environnemental en cours. Elles sont construites sur la consommation à outrance comme modèle d’accomplissement personnel et d’intégration sociale. Pour être heureux, il faudrait gagner toujours plus d’argent pour consommer toujours d’avantage dans un système où les pulsions d’achat sont nourries par la publicité et le marketing. Ces véritables outils de propagande sont les véhicules privilégiés des valeurs mortifères qui sous-tendent le système. Leur unique objectif est d’exciter le désir sans fin de possession, de créer des besoins factices afin de sans cesse retransformer le citoyen en consommateur. La publicité réussit même le tour de force de faire de l’assouvissement de ses nouvelles dépendances avilissantes l’incarnation de la réussite et du bonheur. Or, ce modèle de société se heurte de plein fouet à la prise de conscience de la raréfaction de nos ressources naturelles. Chaque objet produit et commercialisé nécessite une extraction de matière et d’énergie, et contribue donc à épuiser nos écosystèmes déjà à bout de souffle. Conserver cette vision du bonheur devient par conséquent de plus en plus manifestement suicidaire.


Pour autant, comble du paradoxe, l’adoption de ces représentations du bonheur matérialistes fondées sur la consommation boulimique n’ont pas tenues leurs promesses : nos sociétés sont de plus en plus malheureuses. Ainsi, l’indice de félicité publié par l’ONG britannique New Economics Foundation en 2016 renverse les hiérarchies établies par le PIB. Les pays les mieux classés sont le Costa Rica et le Mexique tandis que les Etats-Unis arrivent à la 108ème place. Autre exemple évocateur : la proportion de personnes se disant « très heureuses » a baissé de 52% en 1957 à 36% en 2005 malgré le doublement des revenus par habitant. Cela pourrait s’expliquer par la perte de lien social causé par la marchandisation Toujours est-il que l’idée selon laquelle la croissance économique et le système de valeur qui l’accompagne seraient synonymes d’augmentation du bien-être et d’épanouissement personnel relève de la mystification la plus totale, du bluff collectif le plus absolu.


Cela souligne la véracité de la thèse d’Ivan Illitch exprimée dans son livre la Convivialité : “ce n’est pas d’abord pour éviter les effets secondaires d’une chose qui serait bonne en soi qu’il nous faudrait renoncer à notre mode de vie(...). Non, c’est que le mets est intrinsèquement mauvais et que nous serions bien plus heureux à nous détourner de lui”.


Nos sociétés sont enfermées dans un piège particulièrement vicieux : nos représentations éculées de la réussite et du bonheur non seulement ne tiennent pas leurs promesses mais entretiennent de surcroit un système économique insoutenable d’un point de vue environnemental. Il est par conséquent absolument nécessaire de décoloniser nos imaginaires, de nous sevrer de ce poison qu’on nous perfuse afin de pouvoir espérer reconquérir le bonheur et reconstruire un système économique soutenable et durable.


Alter Kapitae avance plusieurs idées à même de participer à la refondation de nouveaux imaginaires communs, de nouvelles visions du bonheur et de la réussite.


  • Renouons avec un rapport au monde non consumériste. Pour ce faire, il est nécessaire de dédier du temps et de l’espace à la gratuité dans nos vies. Il faut refuser la fuite en avant, la poursuite éperdue de la consommation et de l’argent. Pour cela, décélérons. Prenons le temps de contempler, d’admirer, d’observer, de méditer. Quelle meilleure manière de résister au productivisme que de ne tout simplement rien faire ? C’est ce signifiaient les affiches collées sauvagement sur les murs des villes de France par les membres du collectif « le grand soulagement » : « remplaçons le capitalisme par une bonne sieste ».


  • Dénonçons l’usage de la publicité et du marketing. Ces techniques indéniablement nocives emploient sans vergogne les découvertes en psychologie et en neuroscience pour créer une adhésion factice mais une addiction réelle à la société de consommation et d’exhibition. Elles réduisent la population au rang de troupeau de moutons de Panurge sans volonté et sans individualité, elles polluent l’espace publiques avec des slogans aguichants et des affiches incitatives. Elles défigurent nos villes, nos paysages, et jusqu’à nos maisons. Il faut refuser cette invasion physique et mentale. Alter Kapitae soutient à ce titre les mouvements anti-pubs comme le Collectif des Déboulonneurs, les Casseurs de pub où Paysages de France. Ces organisations utilisent les médias, la pression politique et la mobilisation citoyenne pour s’opposer directement à l’affichage publicitaire. Ce faisant, ils participent à nous libérer l’espace mentale nécessaire à la construction de nouveaux imaginaires.


  • Proposons de nouvelles visions du monde. Quantité d’outils et de référentiels sont disposition de qui veut bien s’en saisir. Grâce à l’art : peinture, sculpture, théâtre, musique et cinéma, il est possible de puissamment proposer et défendre de nouvelles visions du monde, de la vie en société, des relations avec la nature. Des classiques du rock comme « beds are burning » de Midnight Oil, des groupes français comme Tryo, ou américain comme Carbon Monoxide se sont faits les promoteurs de nouvelles valeurs. Côté cinéma, le célèbre studio japonais Ghibli fondé par Hayao Miyazaki et Isao Takahata propose dans des animés comme princesse Mononoké un nouveau modèle social loin des clichés machistes et technicistes. Leur vision colorée d’une écologie cohérente offre de nouvelles représentations et de nouvelles valeurs vers lesquelles tendre.


Alter Kapitae s’engage pour sortir des imaginaires mortifères portés par la société de croissance afin de reconstruire un vision du bonheur en phase avec les enjeux écologiques et sociaux de notre siècle.



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