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Pour sortir de l’idolâtrie de la croissance économique

La croissance économique est unanimement prise comme unique boussole orientant l’action politique des gouvernements mondiaux et des institutions de développement économique internationales. Une idéologie quasi mythologique voudrait qu’elle soit la condition sine qua non à toute avancée sociale ou protection durable de l’environnement. Pour autant, son calcul ne prend en compte que des variables strictement économiques et ignore totalement les patrimoines sociaux et environnementaux. La négation de ces richesses favorisent leur surexploitation et leur destruction. Il n’est donc pas étonnant de constater que la croissance économique ne tient pas ses promesses écologiques et sociales malgré les prophéties néolibérales. Elle est factuellement allée de pair avec l’augmentation des inégalités et le saccage de la biosphère. Il faut sortir du dogme de la croissance pour retrouver le chemin d’une vraie prospérité.



« Sauver notre planète, éloigner les gens de la pauvreté, faire avancer la croissance économique - ce sont les mêmes combats. » Voilà ce que déclarait l’ancien secrétaire général des Nations Unies Ban Ki Moon à la tribune de l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2011. Cette vision est partagée par nombre de décideurs du secteur public comme privé : la croissance économique est au cœur de tous les programmes politiques, et douter de ses bienfaits est considéré comme une hérésie populiste absurde. Il s’agit d’une véritable profession de foi, le dogme économique par excellence dont l’adoration collective frôle l’idolâtrie.


La croissance économique serait le premier pilier nécessaire à la construction d’une société plus juste, et plus respectueuse de l’environnement. La promesse est simple : plus de croissance donne moins de chômage, moins de pauvreté, et plus d’écologie, en somme une meilleure vie pour tout le monde. Inversement, nous rappelle-t-on régulièrement, sans croissance économique, le niveau de vie moyen dégringole, le chômage et la pauvreté explosent, et l’écologie passe au second plan. Pourtant, à rebours de ces thèses très orthodoxes, la croissance économique est factuellement allée de pair avec l’augmentation constante des inégalités et la destruction généralisée des écosystèmes naturels. Dès lors, peut-être est-il nécessaire de lever le voile sur ce que mesure vraiment et surtout sur ce qu’occulte délibérément le taux de croissance économique.



La croissance économique indique la variation du Produit Intérieur Brut (PIB) d’une année sur l’autre. Il s’agit d’un indicateur purement quantitatif mesurant uniquement le niveau de valeur économique créé annuellement sur un territoire concerné. Il peut être calculé en se fondant sur la production, sur la consommation ou sur les revenus. Cet outil est strictement économique : aucun indice environnemental ou social n’est pris en compte dans son calcul. L’augmentation des inégalités sociales, des émissions des gaz à effet de serre, des extractions minières, le degré de pollution des cours d’eau, le niveau du chômage, ou la qualité du système de santé sont autant de données infiniment importantes à la qualité de vie actuelle et future des citoyens et pourtant sciemment occultées dans la méthode de calcul du taux de croissance. Ce biais assumé, cette négation des richesses environnementales et sociales, favorise et facilite leur surexploitation et leur destruction. Pourquoi protéger des choses sans valeur ? Il est donc difficile de s’étonner que la croissance économique ne tienne pas ses promesses sociales et environnementales.



Au niveau social, la poursuite ininterrompue de la croissance n’a permis aucune avancée significative. Il n’y a par exemple aucune corrélation statistique entre croissance économique et amélioration du système de santé. Un exemple l’illustre : à Cuba, au Costa Rica ou au Chili, l’espérance de vie moyenne est plus importante que celle des Etats-Unis alors même que le PIB par habitant états-unien est trois fois supérieur. Cette constatation est également vérifiée pour la mortalité infantile et pour l’éducation. La croissance économique ne permet pas non plus d’assurer des créations d’emploi. Il suffit que l’augmentation de la productivité du travail lui soit supérieure pour qu’aucune heure de travail supplémentaire ne soit dégagée. Enfin, la croissance économique est statistiquement corrélée avec l’augmentation des inégalités. En 1980 par exemple, les 10% des américains les plus riches accaparent 34% du revenu national total. En 2015, ils en possèdent 48%. Sur la même période, le revenu des 5% les plus pauvres a crû moins vite que le revenu moyen. Avancées sociales et croissance économique sont aux antipodes. On ne peut avoir la première en courant après la seconde.



Au niveau environnemental également, la poursuite de la croissance économique n’a pas permis la protection de la biosphère, pire elle a été passablement contre-productive. En effet, la poursuite d’une croissance infinie implique l’augmentation continue de la production. Or, cette dernière nécessite de l’énergie et des matériaux pour certains rares. Autrement dit, chaque point de croissance supplémentaire exige une augmentation de la consommation en énergie et en matériaux. Ce phénomène nourrit directement la catastrophe environnementale en siphonnant les ressources naturelles et en émettant toujours plus de gaz à effet de serre. Certains optimistes arguent qu’il est possible de découpler le PIB et l’empreinte environnementale. Il serait par exemple possible de progressivement décarboner notre système énergétique. Même si c’était vrai, en admettant que l’efficacité carbonique augmente de 2% par an mais qu’en parallèle, une croissance économique de 3% perdure, les émissions nettes continueront d’augmenter. Protection de l’environnement et culte de la croissance vont donc dans des directions diamétralement opposées.


Alter Kapitae milite pour sortir de l’idolâtrie de la croissance économique au motif qu’elle est à la racine d’un système destructeur au niveau social comme environnemental.


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